Samedi matin, mon fils était très triste qu'un petit sac en plastique se désagrégeait à force d'être emporté partout. Il lui avait été donné à la fête d'anniversaire d'un de ses amis, et je me suis promise de lui coudre un sac en tissu de bonne qualité, dans le même élan qui m'a poussée à emballer le livre que je lui ai offert avec autant de soin que si je le faisait pour un adulte : pas de raison de bâcler parce qu'il a moins de trois ans, autant l'habituer au durable, et au joli.
Je n'ai pas trouvé dans mon stock de tissu de quoi remplacer les galaxies sur le sac original, mais j'ai trouvé deux motifs que j'avais achetés pour faire des masques pour enfants, au début de la pandémie. Je suis heureuse que ça serve.
J'ai bien réfléchi à l'ordre des coutures, pour ne laisser aucune bordure apparente, même à l'intérieur, comme c'est souvent le cas dans les tote bags promotionnels. En dehors de cette préparation, je n'ai pris aucune mesure, je me suis adaptée à la taille du tissu que j'avais. Les anses viennent d'un ruban que j'avais acheté pour préparer un tour de lit pour lui quand il était nourrisson. J'ai volontairement fait des anses courtes, contrairement aux tote bags ou aux bandoulières, pour des raisons de sécurité.


Notez les couleurs ambiguës pour ne pas l'enfermer dans un genre avant qu'il nous donne son avis.
Je suis impatiente de lui donner ! J'espère que ça lui plaira, j'ai déjà prévu d'en faire d'autres de différentes tailles, ça peut aider au rangement de jouets un peu dispersés.
J’ai parfois des pulsions de câlins. C’est comme l’envie d’être proche, plus proche encore, l’envie d’être intime avec, tous ces mots que je voudrais prendre au premier degré et pas comme des euphémismes du sexe. C’est doux, tendre, c’est l’envie de se respirer d’un peu plus près, de se goûter l’âme, et le cœur.
C’est comme une pensée intrusive qui fait signe quand je rencontre quelqu'un la première fois, puis souvent quand je les revois, ma peau qui murmure : un câlin, là maintenant, ça serait bien, ça serait juste. Le contraste pour moi est saisissant, parce que je ne suis pas à l’aise dans le contact physique, particulièrement avec des inconnus.
Alors que je me suis déjà décrite hypersexuelle dans une vie antérieure, je suis fermement greysexuelle. La disparition de toute libido, associée aux antiandrogène, a été un petit traumatisme pour moi, une redéfinition imprévue de cette partie de mon identité. Mais la fin de la libido laisse beaucoup de temps libre, et de sang disponible pour le cerveau – les deux composantes nécessaires pour réfléchir – et réaliser que la perception hypersexuelle était imposée par mon entourage, et pas choisie ; que c’était un rôle commode à endosser pour être acceptée socialement. À l’instar de mon emploi d’assistante administrative, c’est quelque chose que j’ai appris à faire, et à bien faire, mais pas ce que j’ai envie d’être.
Aujourd'hui est une longue journée. Je serre les dents parce que je sais que je vais avoir dix jours pour me reposer après ça, et je compte bien en profiter pour ne plus bouger.
Réveil presque pas tôt le matin, parce que ma co-maman et mon fils ont fait attention à me laisser dormir jusqu'à huit heures dix, et c'était adorable de leur part. L'histoire de Galipiot, le coq qui faisait la grasse matinée, que j'ai offerte à mon bébé, semble avoir un impact très positif. Petit-déjeuner, douche avec bébé, encore les nouveaux livres, et puis je dois partir plus tôt que prévu parce que ma co-maman est attendue pour un déjeuner et ne m'en a pas parlé.
Voiture, train, métro, je vais déjeuner chez un couple d'ami·es. Lui, je ne l'ai pas vu depuis avant mon déménagement, et ça me fait très plaisir de le revoir. Elle, je la découvre face à face après avoir lu en ligne avec gourmandise ses réflexions politiques et philosophiques. Son cerveau aurait été suffisant pour piquer mon intérêt, mais je suis subjuguée par son sourire et ses fossettes, son accent et ses émotions. Je note de réfléchir à mes sentiments plus tard.
Je reprends le métro, puis le RER, pour passer l'après-midi avec mon amoureuse à Montreuil, j'aime que nous ayant tant de choses à nous raconter, quelle que soit la fréquence à laquelle nous arrivons à nous voir, et nous ne nous sommes jamais autant vues que depuis nos deux déménagements.

Way ahead of you buddy.
Mon amoureuse amstellodamoise m'accompagne vers Montparnasse. Nous parcourons les soldes chez HEMA, le symbole de la maison aux Pays-Bas. Métro, métro, train, puis tram, et je retrouve mon amoureuse nantaise pour dîner et dormir chez elle. Je suis toujours heureuse de passer du temps avec elle, ses bricolages et son humour étrange, et je débarque à l'improviste parce que mon train de Paris est arrivé à Nantes après l'heure du dernier train pour chez moi. Les horaires d'été pour les trains régionaux, semblent signifier que nous devons nous coucher plus tôt, ça n'a aucun sens. Nous profitons de ce temps gagné sur l'adversité, pour un câlin et deux épisode de The Expanse.
Aujourd'hui, journée de calme entre les activités maternelles.
Je suis réveillée très tôt par mon enfant, très heureux de me trouver là. On se prépare, on s'habille, je mange le petit déjeuner mais lui n'ai jamais très intéressé, et nous partons à la crèche. Il sait maintenant dire si on peut traverser ou pas en regardant le bonhomme rouge ou vert, je suis fière à chaque instant.
Le reste de la journée, j'écris, je brode le motif en blackwork. J'apprends que je ne suis pas prise non plus pour la mission de support technique informatique à la rentrée. J'espérais faire une sieste mais je n'ai pas vu l'heure passer en brodant.
Fin d'après-midi, nous retournons le chercher à la crèche, je lui donne le cadeau préparé par la mère de mon époux·e, deux livres cartonnés de Spot, héros iconique de livres pour tout petits, dans leur version originale anglaise. Je lui lis en anglais, puis en français, nous faisons une vidéo de remerciements, et il me redemande de les lire, encore et encore, le soir et le lendemain. Comme il a un stupéfiant sens du contexte, il est allé ressortir les livres que belle-grand-maman lui a offerts à Noël dernier, et m'a demandé de les lire à la suite. J'aime qu'il aime autant les livres, et les moments de connexion qui vont avec.
Ooooh de la représentation lesbienne, fun, bi, trans, slut, cœur d'artichaut, ça fait du bien.
Aujourd'hui, retour à Paris.
Je prépare le petit déjeuner pour mon époux·e, et nous partons pour un date ensemble à Nantes. Nous mangeons des galettes tout près de la gare, ce qui me permet de prendre le train rapidement après le dessert (galette de sarrasin beurre sucre, bien croustillante).
Dans le long trajet en train pour Paris, j'écris les journées de lundi, mardi et mercredi. Je me promets d'essayer de ne pas laisser s'accumuler les jours de retard, mais écrire dans le train, captive de mon siège et ma voisine envahissante, est un bon moyen d'occuper ce temps. Je prends du plaisir à aller chercher les photos et captures d'écran d'Animal Crossing, que j'avais préparées la veille. Je regrette que la fonction de partage automatique des photos de la Nintendo Switch soit une fonction réservée à la Switch 2, ça ressemble vraiment à une limitation arbitraire et pas technique, juste pour pousser à l'achat.
Dans le train, je commence une nouvelle broderie, que j'ai choisie portable, contrairement à mes quelques projets précédents. J'essaie le remplissage en blackwork pour la première fois, et c'est plus difficile que je pensais, avec ma longue expérience du point de croix. C'est peut-être juste une question d'habitude, mais j'ai l'impression que ça demande une plus grande concentration.

J'étais ambitieuse, c'était peut-être compliqué pour un premier essai.
Le RER B est en travaux, je dois prendre deux bus en remplacement pour arriver chez ma co-maman. Je les trouve dans le jardin devant l'immeuble. Il se passe quelques secondes pendant lesquelles je peux regarder mon fils jouer avec deux enfants de la résidence. Ils ont quelques années de plus que lui, ce qui signifie, à leur âge, presque le double du sien, mais ni lui ni eux ne semblent en tenir compte. Je suis fascinée par sa sociabilité. Puis il me voit, me reconnais de loin, et il court de toutes ses forces en criant de joie « Maman ! C'est Maman Jena ». Il saute dans mes bras dans une chorégraphie bien répétée, je profite de son énergie cinétique en tournant sur moi-même et il est dans mes bras pour un long câlin.
Nous rentrons, il me montre ses nouveaux jouets. Nous assemblons deux vieux puzzles ensemble, pour le plaisir, comme un rituel de reconnexion, nous les connaissons par cœur, il n'a même pas besoin de chercher où la placer quand il prend une pièce. Je lui offre un avion transformable en dinosaure, qui associe deux de ses passions, puis un livre qui raconte l'histoire d'un jeune coq en crise existentielle parce qu'il préfère se lever tard et vivre la nuit. Vue comme je ne suis pas du matin, je plante des graines qui nourriront peut-être des discussions sur le sujet.
J'essaie d'avoir une communication émotionnelle très explicite avec lui, parce que je ne suis pas là assez souvent à mon goût, parce que je crois que ma co-maman ne parle pas beaucoup d'elle-même (mais ça peut être un biais d'observation), et aussi parce qu'assez probablement il va grandir comme un garçon dans notre société™. Je lui dis quand je suis contente de le voir, lui propose des câlins, et je lui dis, de temps en temps « Je t'aime, Prénom ». Ça n'a jamais suscité de questions de sa part, une fois récemment une réponse « Moi aussi je t'aime », qui me laisse penser que le mot, voire le concept, ne lui sont pas étrangers. Toujours ces moments étaient des moments à deux, jeux, habillage, changement de couche.
Ce soir, nous étions à table à trois, et sans prévenir, il a dit « Je t'aime, Maman ».
J'ai l'impression d'avoir accompli quelque chose. Je suis émue, très fière de lui, et de nous.
Fatiguée par cette journée, je m'endors avant lui pendant que ma co-maman nous raconte Maman, Mamoune et moi au milieu, notre livre doudou.