Aujourd'hui, encore une longue journée variée.
Je passe la matinée avec mon fils et sa grand-mère, je suis en hyper-vigilance. Tant que nous sommes deux il est adorable, câlin, curieux. Dès qu'elle est dans la pièce il est stressé, tendu, et soit reste près de moi, soit cherche à la provoquer. Je suis anxieuse de le laisser, coupable de le laisser. Il ne cache pas sa tristesse.
Sur mon trajet du retour je fais un grand détour pour aller trouver dans une épicerie indienne deux sacs de thé en vrac PG Tips, une marque britannique de thé indien, le thé préféré de mon époux·e, dont nous faisons une grande consommation. J'aime beaucoup lui faire ces surprises, comme des pies qui ramenons des cadeaux au nid.
RER, métro, train, train, et me voilà de retour à la maison. Dans le train j'ai écrit les journées des 12, 13 et 14 août ainsi que le post sur le Clair de lune sur ma machine à écrire. J'aime ces moments de concentration, essayer d'évacuer le présent pour repenser au passé, ou remettre le passé proche au présent.
Je me repose à la maison, je continue à extraite de ma bibliothèque de photos tout ce qui n'est pas une photo. Il faudra aussi perdre l'habitude d'y enregistrer n'importe quoi.
Aujourd'hui, c'est reparti. Je ne voulais pas prendre le train au mois d'août mais je n'ai pas su dire non à mon ami·e pour travailler à notre projet secret et me voilà à la gare. Je comprends peut-être un gros problème dans mon consentement dans le besoin de faire plaisir à tout prix. Je décide d'arriver à faire de ce voyage quelque chose de positif.
Arrivée à Paris, je vais dîner avec une exe, qui est radieuse et pleine d'énergie depuis les changements qu'elle a opéré dans sa vie. Ça fait un an, presque jour pour jour, que nous avons mis fin à notre relation, devenue trop difficile à transformer à distance, et je suis enthousiaste à l'idée de réfléchir ensemble à ce qu'elle pourrait devenir. La joie est là, l'envie est réciproque. et nous avons tout notre temps pour prendre soin de nous-même, de nos partenaires et nos nombreuses amies communes.
Réussir une relation, c'est beau. Il y a une satisfaction au moins aussi grande à réussir une rupture qui nous laisse toutes les deux sereines et joyeuses, sans jamais vouloir couper les ponts.
Je suis ce soir encore accueillie par la famille de mon époux·e. Je trie ma bibliothèque de photos, pour essayer de l'alléger : je tente d'en extraire tous les memes, vidéos rigolotes et autres screenshots politiques pour les ranger ailleurs, afin de pouvoir faire tenir ma bibliothèque iCloud sur mon MacBook. Je m'endors trop tard.
Aujourd'hui, retour à la maison et début des vacances.
Je me lève à six heures pour petit déjeuner, métro pour Montparnasse. La pluie est dense et grise. Elle résonne sur le toit de la gare déserte.
Il n'y a pas de sfogliatella, pâtisserie italienne que mon époux·e aime beaucoup, et Krispy Kreme n'est pas encore ouvert. J'ai envie de lui apporter quelque chose, comme petit gage de nouveau, bon départ, aussi parce que notre relation est comme celle des corbeaux, nous aimons nous ramener les jolies choses qui brillent rencontrées dans nos voyages. Dans le train je termine la broderie wicca.
Arrivée à Nantes, pas de porridge à Prêt à Manger, décidément. Je reprends le train pour la maison après plus d'une heure d'attente, la campagne est encore moins bien desservie en été.
Je me retiens de faire une sieste, en espérant caler mon rythme de sommeil par la force. J'arrive pour l'heure du marché avec mon épouse, nous nous arrêtons en chemin pour un date-latte, j'aime bien cette nouvelle tradition.
Nous échangeons beaucoup de photos dans un groupe de d'autoportraits et c'est dur de ne pas crusher à chaque notification.
Je finis par m'assoupir un peu, et je me réveille pour aller à une réunion d'été de l'association queer du Vignoble Nantais. Même avec des gens qui viennent de loin, exprès pour l'occasion, nous sommes huit pour un pique-nique, dans un très joli parc. C'est l'occasion de voir mon amoureuse de Nantes, et des amis communs.
Aujourd’hui, je me réveille avec le stress habituel du voyage en train. Les câlins séparés avec les chattes prennent plus de temps et retardent le petit déjeuner que je prépare pour mon époux·e.
J’ai très envie de ne plus habiter dans cet appartement trop bruyant, et la guerre entre les chattes m’affecte durement, j’éclate en sanglots quand je les entends se crier dessus, conséquence directe et logique d’avoir grandi avec ma mère. Cependant le départ me stresse, je n’ai pas du tout envie de laisser mon époux·e, ni ma couette, pour prendre le train. J’ai envie de deux choses : un câlin serein avec mon époux·e, et me changer les idées. Après le câlin, je décide de continuer un gros projet qui dure depuis un moment, l’aménagement de mon futur étui de tir à l’arc, même si le train part dans deux heures, je sors tout le matériel, les pièces de l’arc, la mousse et le fer à souder.
Ça me fait du bien, et je pars pour Paris.
J'écris dans le train, les émotions très dures des derniers jours. En remontant doucement le quai à Montparnasse, je suis heurtée par un homme grand, chauve, avec un sac à dos et une valise à roulette, qui court en sens inverse – donc un sens illogique sur un quai d'arrivée. Il me heurte brutalement, me jette hors de sa trajectoire, qui n'a pas dévié d'un pouce dans ma direction. Le coup était si fort que j'ai crié, non pas de douleur, mais juste mécaniquement parce que l'air a été expulsé de ma poitrine enfoncée par le choc. Je me retourne pour lui parler, mais il est déjà loin et ne s'est pas retourné. Les voyageurs me regardent, surpris, leur attention attirée brièvement par le bruit ; je tiens à peine debout, grâce à ma canne ; personne ne bouge, les têtes se détournent. Je suis tellement seule.
Trois jours après j'ai encore un bleu jauni douloureux sur l'épaule. J'imagine qu'il avait oublié quelque chose à sa place, qu'il avait peur que le train reparte. Je rêve encore d'avoir les réflexes d'un croche-pied. S'il y a une justice, il a perdu un objet important et précieux.
Je me change les idées en discutant un peu avec une amie d'ami vietnamienne, à qui je ramène une veste qu'elle a oublié à Nantes. Elle organise de partir vivre au Vietnam. Je perçois dans la lassitude de ses yeux que mes envies de fille d'immigrée de voir le pays pour la première fois sont courantes et pas intéressantes, là où elle en est.
Je prends le métro pour Villiers, où la famille de mon époux·e me prête de quoi dormir en attendant mon train demain matin.
Je brode des signes cabalistiques, j'enquête sur les bruits étranges de ce grand appartement vide. Je suis exténuée. Je dors bien mais pas assez.