Aujourd'hui, nous avons été aussi indulgentes que possible avec nous même pour récupérer de l'intense journée d'hier : réveil naturel à l'hôtel, rassemblement des affaires et check out, nous avons prévu d'aller trouver un petit déjeuner ou un brunch dans un endroit calme. Sur le chemin, j'ai été heureuse de trouver une brocante, dans laquelle je n'ai pas regretté de ne rien prendre qui aurait encombré le trajet du retour, mais j'aime bien regerder les restes de vies passées et essayer de comprendre leurs fonctions ou leur raconter des histoires. Mon époux·e et son frère m'on laissée finir mon tour à mon rythme pour aller tester le premier restaurant. Même si Olivia n'avait pas été complète, le niveau sonore n'était pas supportable, nous avons donc continué notre route. Nous avons trouvé un autre endroit, Prep's, lui aussi complet, lui aussi trop bruyant, mais la gentille serveurse nous a proposé de tenter de risquer la terrasse, sans garantie qu'il n'allait repleuvoir rapidement. Le choix était le bon, et nous avons passé un joli moment dans le calme d'une rue piétonne, avec de plats vegan très beaux et bons.
Nous sommes allées tranquillement vers la gare, cherché en vain des stroopwaffels sans gluten au Albert Heijn local, j'ai acheté deux cahiers de coloriage de dinosaures pour mon fils, et nous avons pris le train DB pour Aachen.
J'avais prévu ces correspondances pour être courtes mais douces, environ vingt minutes à chaque fois. J'ai été prévenue il y a quelques jours que notre train DB serait avancé d'une demi-heure, ce qui n'aurait pas d'autre impact que d'allonger l'attente à la gare de transit. Dans le train, j'ai cherché un peu comment nous pourrions occuper cette heure sur place, et proposé à mes camarades de charger au pas de course l'aller-retour entre la gare d'Aachen et la chapelle palatine, qui contient entre autres trésors le tombeau de Charlemagne.
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C'était un intérêt spécifique de mon enfance, et je ne pensais pas un jour visiter cette ville exprès, alors je ne voulais pas rater cette occasion. Nous avons pu passer vingt minutes sur place, émerveillées par les mosaïques et le dôme. J'avais visité Ravenna en Italie il y a longtemps, qui m'avait enchantée de la même façon. Le trône de Charlemagne est caché dans une pièce à part, et le tombeau lui-même est tout au fond de la cathédrale, protégé par des grilles, dans les deux cas il aurait fallu reserver une visite guidée pour laquelle nous n'aurions pas eu le temps, mais nous avons pu voir ce dernier de loin, et la chasse de Marie, et le gigantesque chandelier de Frédéric Barberousse, et les vitraux. Les sublimes mosaïques sont venues relativement tardivement par rapport au reste de la construction, certainement pour imiter celles de Ravena, et ce style est certainement à l'origine de mon obsession pour les motifs bleu nuit avec des accents argentés brillants. Je réalise en l'écrivant un lien possible entre Ravenna et les couleurs de Ravenclaw, mais c'est peut-être juste une coïncidence, et je n'ai envie ni de rechercher le sujet, ni de trouver des qualités a posteriori à la prose de Joanne.
Revenues à la gare en marchant très vite, notre Eurostar était en fait retardé de vingt minutes, répercutées à notre arrivée à Paris. Métro, train de banlieue, dîner en belle-famille. J'ai la très belle surprise de recevoir des macarons en prévision de mon anniversaire. Encore fébrile des transports, nous végétons longtemps avant de vraiment dormir.
Je suis heureuse qu'au dernier moment, l'élément important de la journée n'a plus été les heures de trains et d'attente dans les gares, mais les joies des deux repas et cet instant de fraîcheur étincellante dans la chapelle palatine.
Demain retour à la maison. Je suis impatiente, et je redoute déjà le départ suivant.
Aujourd'hui, le point d'orgue est le concert à Maastricht.
Levée très tôt, j'ai préparé du thé poour mon époux·e et moi, et nous n'avions pas assez de temps pour le boire sur place alors j'ai mis le contenu de nos deux tasses dans une gourde isotherme (la gourde Cabaïa s'ouvre en deux au milieu, je n'ai maintenant plus peur d'y mettre des liquides plus salissants que de l'eau). Voiture vers la gare, train de banlieue pour Montparnasse, métro pour Gare du Nord, Eurostar pour Aachen en Allemagne, train DB pour Maastricht aux Pays-Bas. Je profite du passage à Aachen pour nerder sur son nom français, Aix-la-Chapelle, et les habitudes coloniales de ne pas respecter les noms des villes étrangères.
Arrivées à Maastricht, le plan était de déjeuner, poser nos affaires à l'hôtel, ressortir pour acheter des victuailles pour nous préparer à avoir faim après le concert. Le voyage et la promenade en ville m'ont bien cassée, en arrivant à l'hôtel j'ai laissé mes camarades de voyage ressortir, je me suis douchée et me suis écrasée sous la couette pour une petite sieste indispensable.
Nous avons marché jusqu'au site du concert. J'ai un peu trop marché, pris pleins de photos et de vidéos, grelotté quand le coucher de soleil nous a fait passé de 18°C ressenti 15, à 14°C ressenti glaglagla (ce ne sont pas des relevés scientifiques, sauf glaglagla).
Nous sommes rentrées à pied, frigorifiées, à l'hôtel. En passant devant les nombreux bars et restaurants tous pleins et bruyants, nous nous sommes félicitées de l'idée de pouvoir manger dans nos chambres d'hôtel, dans le calme, et en pyjama. Et nous avons dormi très vite après ça.
Sur le site du festival South of Heaven, qui commence le lendemain, et bien que tout le staff sur place porte un très beau t-shirt aux couleurs South of Heaven, le concert de ce soir n'en fait pas partie.
Dans ma vie de fan de Radiohead ou de Sigur Rós, entre autres, j'ai organisé un bon nombre de voyages exprès pour des concerts, et il y a quelques années j'ai tiré la conclusion que même si je suis parfois très émue par un belle performance scénique, je paie aussi un prix à la fois en fatigue et en argent, et je n'étais plus très sûre que je voulais le faire. J'ai ralenti les concerts, même à proximité, avec la pandémie. Le périple de ces quelques jours est donc une énorme entorse à cette règle que je ne me suis pas vraiment imposée, et je pense que je ne pourrai en faire un bilan qu'après avoir récupéré.
En arrivant j'ai été frappée par deux éléments qui contribuent à mon affection pour les Pays-Bas. Le premier, devant l'entrée sur site du festival, il y a un grand parking vélo, et le parking voiture est à cent mètres environ. pas de bruits de moteur, seulement la musique. Le second, c'est l'atmosphère : alors que nous faisons la queue pour le contrôle des billets puis la fouille réglementaire, les gens patientent avec le sourire. Les contrôles sont détendus, les vigiles que j'ai l'habitude de voir pathibulaires sont souriants, patients, pas de tri sexué parce que pas de palpation. Le climat de peur permanente instauré par l'état d'urgence habituel, les militaires armés dans les rues, les rappels de faire attention au pickpockets, maintenant remplacés par les rappels que si vous oubliez vos courses une équipe de démineurs viendra boucler tout le secteur. Monstres & Compagnie était visionnaire. Bref j'ai beaucoup apprécié ce contraste.
J'avais prévu des billets PMR pour mon époux·e et moi, et des billets valides pour son frère, et pour mon amoureuse qui n'a malheureusement pas pu venir avec nous. Nous nous sommes dirigées par la plateforme prévue pour les personnes handicapées, qui offre une bonne vue de la scène, même si un peu lointaine, où quelques personnes en fauteuil roulant étaient déjà installées. Mais pour nous, qui marchons avec des cannes et ne pouvons pas rester debout longtemps, rien. Je me suis donc missionnée d'aller trouver deux chaises. Je pensais que ce serait simple, et ça a été un sacré casse-tête : j'ai demandé à la sécurité, qui est une société extérieure, qui m'a dirigée pars le staff qui s'occupe du contrôle des billets, qui n'en savait rien et qui était logiquement bien occupé par leur monotâche. Personne n'a su mettre la main tout de suite sur le personnel de secours médical, ce qui est inquiétant mais pas urgent. On m'a indiqué une personne plus âgée qui semblait en charge, qui a envoyé des messages, passé des appels, sans rien trouver mais qui est venue avec moi près d'une table afin que je puisse m'asseoir pendant qu'elle faisait ses recherches. Elle m'a suggéré de patienter sur les bancs d'un des bars, en attendant qu'elle parte enquêter.
J'ai vu distraitement Alcest pendant que je tentais une révolte des invalides. Cette première partie ne m'a pas marquée du tout. Je ne suis pas allée sur les bancs, pour ne pas perdre mes camarades, je me suis perchée sur les rembardes de la plateforme PMR. Pas confortable, pas pérenne, et certainement pas conforme aux normes de sécurité, ça non plus. À la fin de la première partie, je suis retournée voir la matronne en charge (je le dis avec beaucoup d'affection), qui me présente encore des excuses et m'annonce triomphante qu'une équipe est partie chercher des chaises pour tout le monde, et me conseille d'aller attendre sur la plateforme, afin de ne pas rater la distribution de chaises. Je la remercie encore de ses efforts, et à mon retour à la plateforme j'y trouve deux personnes au t-shirt CREW du festival, à qui je dis en espérant une connivence que les chaises doivent être en route. Sa réponse a été une douche froide : "We don't do chairs. I don't know who told you that. Nous ne donnons pas de chaises. Je ne sais pas qui vous a dit ça.
- Really? We paid Accessibility tickets. What do you suggest we do? Vraiment ? Nous avons payé des billets Accessibilité. Qu'est-ce que vous suggérez ?
- I don't know, this plateform is for wheelchairs. Je ne sais pas, cette plateforme est pour les fauteuils roulants."
Le contraste de cette personne butée avec toutes les autres personnes prévenantes et accueillantes me sidère, je suis un peu à cours de réponses. Je réalise après coup que nos billets sont appelés "Accessible seats", soit sièges accessibles, et que ça aurait été mon coup échec et mat, mais je n'en ai pas eu besoin parce que nous avons été littéralement interrompu·es par deux personnes en voiturettes de golf en train d'essayer de passer des chaises pliantes à mon interlocuteur borné.
Je me suis dit que j'allais le laisser travailler, et attendre nos sièges dans le coin de la plateforme que mon époux·e et moi avons choisi, et je pense qu'il a décidé d'être borné jusqu'au bout parce qu'il a distribué des chaises à tout le monde sauf à nous, je suis donc allée lui prendre des mains. Maintenant que ma mission était remplie, j'ai pu aller aux toilettes, de l'autre côté du terrain du festival par rapport à la scène, difficile d'accès PMR, donc. Elles était aussi propres et classe, mais dans des remorques à environ 60 centimètres du sol, avec une seul gigantesque marche.
Après une première pause nécessaire au changement de matériel sur scène, et notamment la mise en place d'une statue monumentale de guerrier mongol, The HU a joué. Je suis heureuse de les avoir vus, plus pour des raisons personnelles et politiques que musicales. C'est assez fréquent que je suive des musiciens que je découvre fortuitement, et qu'avec le temps je me sois attachée à leur personnalité plus qu'à leur travail artistique. C'est le cas d'Amanda Palmer, par exemple, j'aurai certainement l'occasion de reparler d'elle. J'ai aimé leur présence, leur enthousiasme, mais je ne distingue pas tous leurs morceaux, et je le regrette. Je suppose que la barrière de la langue m'empêche de me plonger dans les chansons comme je le fais parfois (cf. un de mes sujets sur deux dans Un Podcast Trans).
Je suis contente d'avoir vu The HU en concert avec leur nouveau line up, j'ai été très déçue par les opinions politiques de Roger Daltrey
Après la seconde entracte (et donc le second voyage aux toilettes, ma vessie ne me rend pas service), c'est Heilung qui en entré en scène.
Le concert, Anda Fardha, commence par un rituel, ce qui ressemble à une bénédiction par un dignitaire religieux, qui secoue une branche et envoie de la fumée autour des nombreux membres du groupe. Je suis captivée par les geste, l'ambiance, la décoration de la scène et les costumes. Tout ça me donne envie de fabriquer des choses ! Ajouter de plus grandes oreilles à mes Airpods Max (oui, je porte en permanence de jolies petites oreilles de chat roses, pas du tout cliché), ajouter des cornes à mon casque de vélo, me faire des vêtements, une armure en cuir, bref, ajouter encore tellement de cordes à mon arc qu'il me faudra une housse de harpe ─ et je note cette idée pourtant très littérale pour plus tard.
J'aime beaucoup leur musique, un large spectre de l'éthéré au bestial, des guerriers et des sorcières.