Aujourd'hui arrive mon amoureuse amstellodamoise pour quelques jours, alors après le petit déjeuner avec mon épouse, nous allons stocker des victuailles au marché. Je passe à la librairie, je note de vérifier que j'ai déjà quelque part Jean a deux mamans avant de l'acheter en double. J'achète un très bel album qui s'appelle Mouette & Chouette et qui raconte comment une chouette et une mouette se rencontrent, s'apprécient, et décident de pondre et couver des œufs ensemble. Je suis impatiente de le lire à mon fils, qui commence à ramener à la maison les questions des autres, comme « Pourquoi moi je n'ai pas de papa ? » Je pense que la réponse du tac au tac de la libraire (parce que ça ne sert à rien) va rejoindre les phrases que je dois me retenir d'expliquer à mes enfants (parce que c'est encombrant, et des fois, ça ne sent pas très bon).
Je fabrique un petit coussin pour que les œufs qu'on achète au marché soient bien calés dans leur boîte, et fassent moins de bruit dans notre sac à dos.
Comme mon amoureuse a une longue correspondance à Nantes, et je trouve dommage la laisser seule là-bas alors que je suis ici, je décide de prendre le train pour l'attendre à Nantes, et mettre ce temps sinon perdu à profit, et nous allons dîner chez Mien Tây, un restaurant vietnamien près de la gare. C'est délicieux à chaque fois. Alors que nous avons presque terminé, nous assistons là à une scène très étrange. Nous entendons d'abord des hommes s'invectiver dans la rue, dans des langues que nous ne comprenons pas. Ça ressemble à une mélange d'insultes et de moqueries. Le restaurant est presque plein mais tout petit, d'un coup d'œil on peut voir que toutes les tables ont tourné les têtes vers la vitrine arriver à voir grand chose. Soudain, un homme fait irruption dans la salle, claque la porte derrière lui, et la maintient fermé malgré les efforts de quelqu'un qui pousse très fort dehors. Dans un français approximatif et avec un volume sonore qui tranche avec le calme du restaurant jusqu'ici, il explique qu'il est poursuivi et menacé par quelqu'un avec "la lame". Un convive près de la porte se lève, s'interpose, et somme le nouveau venu de sortir. Je comprends que son ton ferme et son format massif rassure le reste de la salle, mais je m'oppose alors vivement à l'idée de faire sortir cet homme qui demande de l'aide, simplement pour protéger la tranquillité de la clientèle. La patronne, une petite femme vietnamienne âgée, est un peu affolée, me demande d'appeler la police – ce que je ne fais pas, je n'ai pas du tout envie d'être mêlée administrativement à cette affaire, et donc probablement d'y laisser quelques heures, ne pas pouvoir prendre le dernier train pour rentrer, etc. Par ailleurs, notre réfugié est lui aussi en train d'appeler des secours, on entend son téléphone sur haut-parleur qui est en attente du 112.
Ma réaction épidermique est tempérée par celle de mon amoureuse, qui est souvent plus sceptique (ou même moins crédule) que moi, et aussi par le comportement de l'homme qui tient la porte, qui semble stressé quand il nous parle, mais qui montre en contraste une bravade malvenue quand il s'adresse à son possible assaillant : ça ressemble à des insultes encore, mais surtout à un encouragement explicite à casser la porte vitrée. Finalement la ou les personnes dehors se lassent, ou changent de stratégie, et partent vers la gare, et la personne qui avait trouvé refuge avec nous sort aussi quand la voie est libre, encouragé par la gérante. Nous profitons de ce moment pour régler notre dîner et partir, pour tenter de prendre l'avant dernier train plutôt que le dernier.
En arrivant à la gare, nous le recroisons, adossé à l'entrée, sagement posté près d'une équipe de sécurité canine. Nous passons rapidement, et nous rentrons sans encombre.
Je prends de belles photos du souterrain de la gare vide. Ça ressemble à un décor de cinéma, ou de la série Star Wars Andor.
Aujourd'hui, reprise du chantier participatif (pour nous, le chantier continue même si nous ne sommes pas là évidemment).
Je prépare le petit déjeuner pour mon épouse, très tôt pour pouvoir travailler avant le retour de la chaleur. J'ai fait une sorte de visage, Comme une Arcimboldo du petit déjeuner.
Je prends de nouveaux beaucoup de jolies photos des différents chantiers, j'aime beaucoup cette position de documenter les travaux et les équipes, comme j'avais déjà pu le faire dans une autre vie dans le festival EroSphère.
J'ai vidé un lave-linge, enlevé les vêtements et bouteilles vides qui étaient coincées derrière lui, nettoyé et rerouté son tuyau d'évacuation, afin qu'il arrête d'afficher une erreur E21 en refusant de se vidanger.
Je gère mon propre chantier, en créant un passage suspendu pour une gigantesque passiflore à côté et au-dessus d'une porte fenêtre, afin de ne pas créer trop d'ombre à l'intérieur.
J'aime beaucoup, c'est un alien.
Je prends de nouvelles photos dans la mare pleine de boue, notamment de mon époux-e.
Je n'avais encore jamais eu l'opportunité de prendre des photos de près d'engins de chantier, avec en plus de très jolies personnes queer aux commandes. C'est un peu le paradis ici.
J'ai prélevé de l'argile dans la mare pour sculpter des petits souvenirs qui seront des cadeaux pour nos ami-es. Je tente de les passer au four mais celui de la cuisine est évidemment bien en-deça de ce qu'il faudrait pour faire sécher la terre comme il le faudrait, et comme j'ai appris à le faire quand j'étais petite.
Je passe un long moment en visio avec mon fils, il me manque et il me fait bien comprendre que c'est réciproque. Il me fait lui raconter un de ses livres préférés, Maman, Mamoune et moi au milieu, qui parle de l'absence d'une des mamans, et j'ai du mal à retenir mes larmes. Je sais que je dois aller à Paris de dimanche à mardi pour des rendez-vous médicaux, et j'avais prévu d'essayer de voir différentes amoureuses, cruches et exes, mais je propose à ma co-maman de venir voir notre fils lundi soir.
Je suis un peu frustrée de la communication avec elle, dont j'attendais des informations sur comment elle planifie ses vacances afin de pouvoir m'organiser et voir notre enfant, et son silence crée à la fois la tristesse chez lui, la culpabilité chez moi, et l'obligation de s'organiser à la dernière minute.
J'ai été frustrée d'être dépendante et bloquée à l'ombre pendant une heure, parce que j'avais peur de rentrer chez moi sous le soleil brûlant de quinze heures.
Une fois rentrée j'ai accueilli une très vieille amie, sa compagne et leur fille d'un an, c'est une joie immense de les voir en ayant un peu de temps pour discuter et nous raconter nos quotidiens.
Nous dînons à cinq au restaurant, puis je pars nourrir les chats de ma cliente en vélo et dans le noir.
Aujourd'hui, le pic de chaleur est passé, nous pouvons parcourir la petite randonnée qui nous mène sur le chantier participatif de notre groupe d'ami-es.
J'ai préparé très tôt le petit déjeuner pour mon époux-e. J'ai sculpté des pentacles dans le gros bout des blancs pour laisser apparaître le jaune.
Deux des sept boules de cristal.
J'ai extrait des clous de la petite planche qui sert d'escalier pour les poules, afin que mon époux-e puisse passer une couche de vernis dessus.
J'ai grimpé dans des arbres qui piquent (du houx, surtout, mais quand on a les bras nus et une robe fine, tous les arbres piquent) pour attacher des branches ensemble, et créer un espace pour tendre une corde, et l'utiliser comme une tringle à rideau, pour créer un espace protégé autour des toilettes sèches.
J'ai pris plein de jolies photos, des fleurs, des paysages, mes camarades qui travaillent sur les autres chantiers.
Promis, ce n'est que de l'intelligence naturelle.
J'ai été appelée exprès par mon amoureux pour faire des photos de l'équipe qui s'affairait à l'étanchéité de la mare aux grenouilles vide (d'où le besoin d'étanchéité), tous en toute petite tenue. J'aime qu'on me connaisse bien, et que tout le monde voulait de jolies photos souvenirs immontrables à la famille.
Sauf celle-ci ?
De retour à la maison, je trie mon tiroir de patches en tissu, pour essayer de prévoir sur quoi je pourrais les fixer.
Pas de geste brusque sinon la chatte part avec l'un d'entre eux.
Je me rhabille avec une très jolie robe juste pour aller chercher deux colis, des petites enceintes et un moniteur 27" en promo sur LDLC, pour remplacer celui qui est enb train de rendre l'âme. Les problèmes de rétroéclairage ont un effet morose sur mon moral, comme s'il faisait gris en permanence dans Animal Crossing. Nous allons pouvoir jouer en plein jour.
Les chattes continuent à ne pas pouvoir se voir, mon époux-e passe du temps dans sa chambre pour tenir compagnie à l'une d'elle pendant que je suis dans le salon avec l'autre, ou dans ma chambre. Je me sens très seule.
Je vais à vélo nourrir les trois chats de ma cliente.
J'ai envie d'un nouveau vélo, un peu plus grand et qui grince moins.
Pour préparer mon prochain départ, je ressors un projet de broderie que j'avais mis de côté parce que je le trouvais un peu fastidieux. C'est une série de petites fées du jeu vidéo Zelda sur SuperNES (A Link to the Past). J'ai beaucoup le double symbole, à la fois queer (fairy), trans (Link et Zelda), et l'adjuvante qui vous rend tous vos points de vie quand vous la rencontrez. Comme je voulais en faire plusieurs, je les ai commencées en parallèle, à la chaîne, d'abord tous les contours, puis tous les cheveux roses, etc. De mon point de vue c'est la recette idéale pour enlever tout le plaisir de la broderie, j'avais donc arrêté. Ce soir j'ai repris en finissant une fée complètement, avant de commencer une autre, et ça me donne beaucoup plus de plaisir comme ça. Je vais pouvoir poursuivre dans le train dimanche.