Aujourd'hui, je pars en hyperfocus dans un tableur.
J'ai l'impression de ne pas avoir fait grand chose d'autre : j'essaie de remanier mon tableau de budget pour en faire un tableau commun avec mon époux·e. C'est un gros projet, ce tableau contient toutes mes transactions depuis 2009, présenté avec la nomenclature d'un Plan comptable général. Ce tableau n'est pas du tout pratique à manipuler au quotidien. Pas terminé mais il faut dormir.
Je suis allée chercher des colis : un joli t-shirt Linkin Park et une robe EMP que je n'avais pas réussi à acheter quand elle est sortie il y a quelques année…
… et une paire de bottes Dr Martens qui sont exactement celles que j'ai déjà, mais en blanc ; j'ai découvert leur existence en cherchant des bottes blanches sous l'influence de KPop Demon Hunters, et je suis très heureuse de pouvoir coordonner à mes tenues ces chaussures qui sont celles qui me font tenir debout quand je sors de chez moi.
Je suis soulagée de les recevoir et les tenir, je n'étais pas complètement sûre de leur existence quand je les ai commandées, c'est la première fois que j'en entendais parler.
Quelle couleur de lacets je mets sur les nouvelles bottes ?
Aujourd'hui, la série des transports continue.
Levée très tôt arriver à Gare du Nord vers 7h50, afin de prendre le train pour Bruxelles, le tableau des départs nous accueille avec l'intégralité des trains en retard.
Notez que la photo indique être prise à 7h49 et que le train de 7h06 n'est toujours pas parti. Pas bon signe.
Nous nous installons pour petit déjeuner en patientant, confiante dans la marge confortable que nous avons prévue à Bruxelles avant notre rendez-vous. À l'heure du départ de notre train, le quai n'est toujours pas annoncé, et subitement les annonces s'enchaînent : le train est retardé de 40 minutes, et le train est supprimé. Conscientes que les places sur les autres trains vont être chères en très peu de temps, nous nous levons, accourrons vers le guichet INOUI, où l'amabilité du personnel me fait regretter les bornes automatiques. Après avoir essayé de prendre des trains, directs ou indirects, il faut nous rendre à l'évidence : même avec les moyens de payer deux-cents-cinquante euros chacune pour une place dans un Eurostar, les trains sont complets (et nous n'avons pas les moyens).
Comme nous n'arrivons pas à contacter notre rendez-vous de l'après-midi, nous décidons de rentrer chez mon ami·e, pour y négocier une visioconférence, au moins formuler des excuses, obtenir un nouveau billet ou un remboursement, etc. J'ai en tout cas ces expériences derrière moi, qui permettent de gérer tout ça sans trop tâtonner.
Je redoute déjà à ce moment-là la perspective de passer la journée dans un appartement bruyant, où toutes les minutes, sous les fenêtres, le bruit des voitures des trams et des trains de la gare du Nord couvre le ronronnement du réfrigérateur fatigué qui souffre de la chaleur de manière très audible. Mon agonie des oreilles amplifie mon stress, je suis un château de verre et chaque bruit est une fêlure, et je me retiens difficilement de plier bagages pour Nantes.
Mon ami·e me propose sa chambre, mieux isolée et loin du réfrigérateur, pour décompresser, et je vais y dormir une heure et demie. Ça va mieux une fois reposée, nous déjeunons d'un salade composée, et mon ami·e suggère la médiathèque, ce qui me fait plaisir, et comme souvent lance une seconde suggestion alors que j'ai déjà approuvé la première, et je ne suis pas en état de choisir alors que je ne connais pas les deux lieux. Je me laisse donc porter vers le café de la Coopérative Poincaré, qui est mignonne, pleine de jolies choses à vendre, avec un bar et des latte matcha qui réconfortent. Malheureusement nous sommes assises entre un ventilateur et la porte ouverte sur la rue. Mon casque fait des merveilles mais pas des miracles, et je dois le désactiver à chaque fois que mon ami·e et son colocataire me parlent, ce qui est souvent, trop souvent pour mon état à ce moment là. Avec la pression du casque et le bruit blanc supplémentaire créé par l'annulation de bruit, je sens mes points de vie me couler par les oreilles.
Nous restons là environs deux heures, je décide de ne rien acheter mais de revenir un jour où j'irai mieux, et quand mon ami·e me propose une cérémonie pour le début du mois, qui se tient le soir dans le vingtième, je décline (dans tous les sens du terme) et je saute sur l'occasion de profiter d'une soirée seule dans l'appartement.
Je n'arrive pas à écrire, je ne suis pas en état. Je regarde des clips de Linkin Park, je continue de voir des détails qu'on aurait pu citer dans notre épisode de Un Podcast Trans, mais je décide de ne pas les noter, et me contente d'envoyer un câlin à Chester, que personne ne pouvait sauver.
Aujourd'hui, je suis très fière d'avoir pas seulement survécu, mais plutôt bien géré notre aventure dans les « musiques extrêmes ».
Enhardies par notre réussite pour trouver un billet hier pour le frère de mon époux·e, nous nous décidons à essayer de nouveau pour nous. La température a magiquement baissé de cinq degrés depuis la veille, de bon augure sur le trajet déjà. À la billetterie du Hellfest, pas de chance, pas de place disponible à la revente, à moins d'accepter d'acheter un Pass Quatre Jours, le festival complet au prix de trois-cents-quarante euros. Évidemment c'est non, notre quête devient donc de trouver un marqueur et un carton, sur lequel j'indique, dans une rapide calligraphie, que nous cherchons deux places. Les bénévoles du festival (le « crew ») est très gentil tout au long de ce processus pourtant contraire aux règles de tous les concerts(les places sont personnelles, nominatives et incessibles), j'apprécie leurs encouragements, et les compliments sur la calligraphie.
Mon écriture semble faire des miracles : le temps de faire quelques pas pour nous éloigner de la sécurité, sur les conseils du crew, une Lily (c'est son prénom) nous aborde pour nous proposer d'utiliser le Pass Quatre Jours de sa mère qui ne pouvait pas rester le dernier jour, contre quatre-vingt euros. Nous acceptons avec joie, notre stratégie étant de prendre ce que nous trouvons plutôt que d'attendre deux bracelets qui nous tomberaient du ciel simultanément. Lily m'accompagne à l'entrée pour tester le bracelet, pendant que nous testons différentes méthodes pour lui transférer l'argent sans avoir à retirer des espèces, ce qui n'est pas possible à des kilomètres à la ronde. Elle décide de me faire confiance, me donne son RIB, et je m'engage à lui faire un virement quand ma banque voudra bien. Elle part profiter du festival, elle veut voir A Day To Remember, programmé en même temps que HEALTH. Je suis émerveillée des décors du Metal Corner, mais je me ressaisis et je sors du festival pour rejoindre mon époux·e, que je ne trouve pas à l'endroit où nous étions, mais près de la billetterie en train d'achever une transaction similaire de son côté : nous pouvons entrer ensemble dans Hellfest 2025.
Le temps que nous avons passé à Camden Town dans nos vies antérieures, et la joie que nous avions ressentie à nous y sentir accueillies et représentées, ont été des éléments majeurs de notre découverte réciproque, il y a plus de dix ans. Longer ces devantures main dans la main est une joie pétillante, nous sommes en ébullition, et pas seulement à cause du soleil encore brutal. Moi qui ait longtemps participé à la construction de décors de spectacles, j'admire la qualité des reproductions du Metal Corner. J'ai aussi géré d'arriver à mettre de l'argent sur nos bracelets qui servent aux paiements, bien qu'ils fussent associés aux comptes de leurs précédents propriétaires. Nous parcourons les étals des artistes, créatrices, et marchands de t-shirts, avec le peu de retenue qu'on montre quand on visite un pays étranger qu'on ne reverra pas.