Aujourd'hui, c'est mon anniversaire. Il était perdu coincé entre deux voyages, et j'ai remis constamment à plus tard l'idée de prendre une décision : soirée simple ? ou petite fête ? ou grosse fête ? La dysfonction exécutive a décidé pour moi, soirée très simple. Il n'y a pas de bonne réponse absolue, elle varie pour moi selon les années et mon état. Ce n'était pas la bonne décision cette année.
Comme Noël ou le nouvel an lunaire, c'est un jour que je redoute parce qu'il a le potentiel de souligner l'ampleur de la rupture familiale. Ce qui pourrait être une suite de moments légers est un compte à rebours vers la fin de la journée, et sorte de ligne d'arrivée des manifestations d'affection, créant malheureusement une dimension comptable dans l'inquantifiable.
Je me réveille avec des messages adorables de mon amoureuse et sæ partenaire d'Amsterdam.
La journée commence avec mon époux·e, je nous prépare le petit déjeuner, et nous ouvrons mon premier cadeau ensemble, un tableau vietnamien en bois et en nacre, c'est à la fois très beau et très impressionnant, les inclusions de nacre font des vagues sous la surface lisse.
Plus tard dans la journée je reçois de jolis messages de mes amoureuses de Nantes et de Rennes, mes deux ami·es de Bordeaux, ma plus récente ex-amoureuse de Paris, et trois amies chères mais loin, et deux ami·es proches.
J'ai mis en ligne les choses que j'ai écrites pendant ce voyage, et je suis assez fière à la fois de la qualité et de la quantité :
J'ai regardé la keynote de la WWDC Apple. Je suis facilement contente des moments humoristiques. Le nouveau design me laisse neutre. Je suis curieuse de la nouvelle interface pour iPad, je suis partagée entre "enfin c'est pas trop tôt" et "c'est trop tard, je ne suis plus intéressée".
Déprimée par ma famille, je n'ai pas été très joyeuse avec mon époux·e qui a fait son possible pour que la journée soit douce. J'ai remis l'écriture du jour et de la veille, au lendemain, maintenant. J'ai donc de quoi faire un triste décompte :
J'aimerais ne pas m'en soucier, j'ai été fatiguée d'avoir été celle qui contactait les autres sans avoir beaucoup de retours, et depuis que j'ai décidé de moins faire cet effort, je me sens coupable de ne plus le faire et qu'il reste si peu. Ces liens étaient plus fragiles que je ne le pensais, et je n'ai pas de bonnes idées pour arrêter d'en souffrir.
Merci infiniment, mes amours, mes ami·es, de me soutenir et d'être là. Je vous aime.
Aujourd'hui c'est dur de faire quoi que ce soit, à la fois à cause de la fatigue, et de l'anticipation du voyage du retour. Brunch avec la belle-famille, toujours un joli moment joyeux. Broderie.
Puis voiture jusqu'à la gare, train vers Paris, train vers Nantes. Le train suivant est annulé parce que le conducteur est introuvable, et le train suivant est annoncé à 30 puis 20 minutes de retard. Donc une heure et demie sans trop savoir quoi faire ni pouvoir vraiment nous asseoir à un restaurant. Nous profitons des derniers rayons du soleil dans le très beau jardin des plantes, un des arguments de la ville pour nous convaincre d'habiter ici.
Une fois à la maison, flemme. Un bol de céréales, Animal Crossing pour récupérer tout ce que nous avons manqué ces quelques jours. Peu après minuit, mon époux·e me souhaite un joyeux anniversaire, vivre avec moi est son secret pour pouvoir le faire en premier avec certitude. J'en suis émue à chaque fois.
Aujourd'hui, nous avons été aussi indulgentes que possible avec nous-même pour récupérer de l'intense journée d'hier : réveil naturel à l'hôtel, rassemblement des affaires et check-out, nous avons prévu d'aller trouver un petit déjeuner ou un brunch dans un endroit calme. Sur le chemin, j'ai été heureuse de trouver une brocante, dans laquelle je n'ai pas regretté de ne rien prendre qui aurait encombré le trajet du retour, mais j'aime bien regarder les restes de vies passées et essayer de comprendre leurs fonctions ou leur raconter des histoires. Mon époux·e et son frère m'ont laissée finir mon tour à mon rythme pour aller tester le premier restaurant. Même si Olivia n'avait pas été complète, le niveau sonore n'était pas supportable, nous avons donc continué notre route. Nous avons trouvé un autre endroit, Prep's, lui aussi complet, lui aussi trop bruyant, mais la gentille serveuse nous a proposé de tenter de risquer la terrasse, sans garantie qu'il n'allait pleuvoir de nouveau rapidement. Le choix était le bon, et nous avons passé un joli moment dans le calme d'une rue piétonne, avec de plats vegan très beaux et bons.
Nous sommes allées tranquillement vers la gare, chercher en vain des stroopwaffels sans gluten au Albert Heijn local, j'ai acheté deux cahiers de coloriage de dinosaures pour mon fils, et nous avons pris le train DB pour Aachen.
J'avais prévu ces correspondances pour être courtes mais douces, environ vingt minutes à chaque fois. J'ai été prévenue il y a quelques jours que notre train DB serait avancé d'une demi-heure, ce qui n'aurait pas d'autre impact que d'allonger l'attente à la gare de transit. Dans le train, j'ai cherché un peu comment nous pourrions occuper cette heure sur place, et proposé à mes camarades de charger au pas de course l'aller-retour entre la gare d'Aachen et la chapelle palatine, qui contient entre autres trésors le tombeau de Charlemagne.
>
C'était un intérêt spécifique de mon enfance, et je ne pensais pas un jour visiter cette ville exprès, alors je ne voulais pas rater cette occasion. Nous avons pu passer vingt minutes sur place, émerveillées par les mosaïques et le dôme. J'avais visité Ravenna en Italie il y a longtemps, qui m'avait enchantée de la même façon. Le trône de Charlemagne est caché dans une pièce à part, et le tombeau lui-même est tout au fond de la cathédrale, protégé par des grilles, dans les deux cas il aurait fallu réserver une visite guidée pour laquelle nous n'aurions pas eu le temps, mais nous avons pu voir ce dernier de loin, et la chasse de Marie, et le gigantesque chandelier de Frédéric Barberousse, et les vitraux. Les sublimes mosaïques sont venues relativement tardivement par rapport au reste de la construction, certainement pour imiter celles de Ravenna, et ce style est certainement à l'origine de mon obsession pour les motifs bleu nuit avec des accents argentés brillants. Je réalise en l'écrivant un lien possible entre Ravenna et les couleurs de Ravenclaw, mais c'est peut-être juste une coïncidence, et je n'ai envie ni de rechercher le sujet, ni de trouver des qualités a posteriori à la prose de Joanne.

Revenues à la gare en marchant très vite, notre Eurostar était en fait retardé de vingt minutes, répercutées à notre arrivée à Paris. Métro, train de banlieue, dîner en belle-famille. J'ai la très belle surprise de recevoir des macarons en prévision de mon anniversaire. Encore fébrile des transports, nous végétons longtemps avant de vraiment dormir.
Je suis heureuse qu'au dernier moment, l'élément important de la journée n'a plus été les heures de trains et d'attente dans les gares, mais les joies des deux repas et cet instant de fraîcheur étincelante dans la chapelle palatine.

Demain retour à la maison. Je suis impatiente, et je redoute déjà le départ suivant.
Aujourd'hui, le point d'orgue est le concert à Maastricht.
Levée très tôt, j'ai préparé du thé pour mon époux·e et moi, et nous n'avions pas assez de temps pour le boire sur place alors j'ai mis le contenu de nos deux tasses dans une gourde isotherme (la gourde Cabaïa s'ouvre en deux au milieu, je n'ai maintenant plus peur d'y mettre des liquides plus salissants que de l'eau). Voiture vers la gare, train de banlieue pour Montparnasse, métro pour Gare du Nord, Eurostar pour Aachen en Allemagne, train DB pour Maastricht aux Pays-Bas. Je profite du passage à Aachen pour nerder sur son nom français, Aix-la-Chapelle, et les habitudes coloniales de ne pas respecter les noms des villes étrangères.
Arrivées à Maastricht, le plan était de déjeuner, poser nos affaires à l'hôtel, ressortir pour acheter des victuailles pour nous préparer à avoir faim après le concert. Le voyage et la promenade en ville m'ont bien cassée, en arrivant à l'hôtel j'ai laissé mes camarades de voyage ressortir, je me suis douchée et me suis écrasée sous la couette pour une petite sieste indispensable.
Nous avons marché jusqu'au site du concert. J'ai un peu trop marché, pris plein de photos et de vidéos, grelotté quand le coucher de soleil nous a fait passer de 18°C ressenti 15, à 14°C ressenti glaglagla (ce ne sont pas des relevés scientifiques, sauf glaglagla).
Nous sommes rentrées à pied, frigorifiées, à l'hôtel. En passant devant les nombreux bars et restaurants tous pleins et bruyants, nous nous sommes félicitées de l'idée de pouvoir manger dans nos chambres d'hôtel, dans le calme, et en pyjama. Et nous avons dormi très vite après ça.
Sur le site du festival South of Heaven, qui commence le lendemain, et bien que tout le staff sur place porte un très beau t-shirt aux couleurs South of Heaven, le concert de ce soir n'en fait pas partie.
Dans ma vie de fan de Radiohead ou de Sigur Rós, entre autres, j'ai organisé un bon nombre de voyages exprès pour des concerts, et il y a quelques années j'ai tiré la conclusion que même si je suis parfois très émue par une belle performance scénique, je paie aussi un prix à la fois en fatigue et en argent, et je n'étais plus très sûre que je voulais le faire. J'ai ralenti les concerts, même à proximité, avec la pandémie. Le périple de ces quelques jours est donc une énorme entorse à cette règle que je ne me suis pas vraiment imposée, et je pense que je ne pourrai en faire un bilan qu'après avoir récupéré.
En arrivant j'ai été frappée par deux éléments qui contribuent à mon affection pour les Pays-Bas. Le premier, devant l'entrée sur site du festival, il y a un grand parking vélo, et le parking voiture est à cent mètres environ. pas de bruits de moteur, seulement la musique. Le second, c'est l'atmosphère : alors que nous faisons la queue pour le contrôle des billets puis la fouille réglementaire, les gens patientent avec le sourire. Les contrôles sont détendus, les vigiles que j'ai l'habitude de voir pathibulaires sont souriants, patients, pas de tri sexué parce que pas de palpation. Le climat de peur permanente instauré par l'état d'urgence habituel, les militaires armés dans les rues, les rappels de faire attention au pickpockets, maintenant remplacés par les rappels que si vous oubliez vos courses une équipe de démineurs viendra boucler tout le secteur. Monstres & Compagnie était visionnaire. Bref j'ai beaucoup apprécié ce contraste.
J'avais prévu des billets PMR pour mon époux·e et moi, et des billets valides pour son frère, et pour mon amoureuse qui n'a malheureusement pas pu venir avec nous. Nous nous sommes dirigées par la plateforme prévue pour les personnes handicapées, qui offre une bonne vue de la scène, même si un peu lointaine, où quelques personnes en fauteuil roulant étaient déjà installées. Mais pour nous, qui marchons avec des cannes et ne pouvons pas rester debout longtemps, rien. Je me suis donc missionnée d'aller trouver deux chaises. Je pensais que ce serait simple, et ça a été un sacré casse-tête : j'ai demandé à la sécurité, qui est une société extérieure, qui m'a dirigée pars le staff qui s'occupe du contrôle des billets, qui n'en savait rien et qui était logiquement bien occupé par leur monotâche. Personne n'a su mettre la main tout de suite sur le personnel de secours médical, ce qui est inquiétant mais pas urgent. On m'a indiqué une personne plus âgée qui semblait en charge, qui a envoyé des messages, passé des appels, sans rien trouver mais qui est venue avec moi près d'une table afin que je puisse m'asseoir pendant qu'elle faisait ses recherches. Elle m'a suggéré de patienter sur les bancs d'un des bars, en attendant qu'elle parte enquêter.

Aujourd'hui est une journée trait d'union, une articulation nécessaire au déroulement des évènements autour d'elle, mais qu'on pourrait omettre sans s'en rendre compte. La veille, le stress du départ m'a fait me coucher bien trop tard : j'ai ressenti le besoin de rouvrir Animal Crossing de 2 à 3 heures du matin, frustrée que j'étais d'avoir remis à plus tard, avec succès, le jeu au profit de tâches plus nobles. Quatre heures de sommeil plus tard, il fallait déjà se lever pour prendre le train pour Nantes, puis le train pour Paris, puis le train de banlieue pour aller chez les parents de mon époux·e, où nous avons mis le besoin de sieste de côté pour passer du temps avec eux, jusqu'à ce que je ne tienne plus; je suis allée dormir une heure juste avant le dîner.
J'ai passé la soirée dans Animal Crossing: Wild World.