Nous entendons la musique avant de voir la scène, en arrivant dans la Valley le concert a déjà commencé.
Je dois reconnaître que je connais très mal le groupe. J'ai écouté quelques morceaux en boucle, recommandés par mon amoureuse ; j'ai été fascinée par la silhouette mélancolique de John Famiglietti dans la vidéo de Ashamed (of being born). J'y projette évidement énormément de choses personnelles, il y ressemble à une gigantesque version de moi pré-transition, le choix des messages lisibles dans cette vidéo souvent floue ("Looking for a girlfriend - female optional", le portrait de lui enfant suivi de manière presque subliminale par une pierre tombale) me fait penser à un coming out, mais ça n'est pour l'instant pas le cas. La vidéo de Children of Sorrow, où il représente (il produit al musique et co-réalise les vidéos) les trois membres du groupe en Waifu dance team vaut le coup d'œil. Bref, quand on cherche des signes, je les vois partout.
La foule n'est pas compacte, c'est facile de se frayer un chemin vers la plateforme PMR dont la rampe est derrière la console de la régie face à la scène. Nous sommes bien installées, au dessus du public, assise au second rang de la plateforme.
Je reconnais certains morceaux, d'autres pas, je sens que je passe complètement à côté de l'un d'entre eux, je dissocie comme parfois en concert, en train de réfléchir à un projet qui n'a rien à voir, cosplay, broderie. C'est une des raisons pour lesquelles j'ai décidé de ralentir le rythme de mes concerts, leur prix est parfois élevé pour une séance de brainstorming intérieur.
Un couple quitte ses places au premier rang et nous les indique gracieusement. La rambarde, barre d'échafaudage, est agréable pour prendre des photos ou des vidéos, ou juste s'y reposer. La vue est parfaite.
Le parasol divin pile dans l'axe du soleil.
Je suis heureuse de les voir sur scène, j'en suis certaine. Les trois musiciens sont attachants, indépendamment de ma relation même pas parasociale à Johnny HEALTH.
Je me souviens de ce que mon amoureuse m'a raconté, à la fin de son concert, Johnny est descendu dans la fosse, pour rencontrer le public, et lui a fait un câlin.
Le concert approche de la fin, le chanteur et le batteur disent au revoir, alors que Johnny enlève méthodiquement le contenu de ses poches, son micro, ses écouteurs, le transmetteur de la basse, et fait signe à la sécurité qu'il va descendre. Arrivé en bas, il ne discute pas, il grimpe la barrière, et commence à surfer sur la foule, qui le soutient, toutes les mains en l'air. Il semble savoir ce qu'il fait, les bras en avant, un genou replié en position Superman, pour la stabilité, il dirige télépathiquement l'organisme symbiotique qui le supporte. J'ai l'impression que je vais le regarder, de la plateforme, sans oser bouger, peut-être rater une chance de contact. Il réalise une courbe gracieuse tout autour de la fosse, avant de descendre sur le sol, où il commence à discuter et prendre des photos avec les festivalier·es. Quelqu'un lui offre un serre-tête avec des oreilles de chat, qu'il porte avec plaisir.
Je décide d'essayer. Je me lève, quitte la plateforme, traverse la foule dans mon habituelle forme gazeuse, me matérialise devant lui. Il me voit, ouvre les bras, quelqu'un d'autre s'y engouffre, il se prête à l'autoportrait de bonne grâce, puis se tourne vers moi, ouvre les bras de nouveau. Depuis l'anecdote, j'imaginais ce moment, j'aurais une phrase de connivence, une répartie décisive qui crée un lien ou change une vie, mais non. Je dois me contenter de bredouiller des remerciements et un compliment. Je ne sais pas s'il m'a entendue, je ne me suis pas entendue moi-même avec les bouchons d'oreille. Je lui propose une photo.
Je n'ai pas envie de partir mais il faut le lâcher maintenant.
Mon époux·e qui m'a suivie dans la fosse, prend une photo au même moment, il faut toujours faire des backups. Je suis très heureuse de la retrouver, très heureuse aussi de me blottir dans ses bras après ce moment intense, pas seulement le câlin, mais le concert avant, et le festival avant, et l'heure sous le soleil encore avant. Tout a mené à cet instant. Je me réfugie dans son cou et je pleure. Beaucoup de tension qui se libère. Nous marchons doucement ensemble, dans les bras l'une de l'autre, le monde n'existe plus. Cette pause est bienvenue.
Ma description du reste du festival est dans ce post du dimanche 22 juin 2025.